Oui. Je vis avec l’Alzheimer. Laissez-moi vous aider à comprendre: Keith Barrett
Keith Barrett, 59 ans, vit à Ottawa, en Ontario, avec sa femme Robin. Depuis plus de 20 ans, Keith est copropriétaire d’une entreprise qui aide les adultes et les enfants ayant des handicaps physiques et des troubles du développement. Il continue de travailler à temps plein. Keith a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer en décembre 2016.
La nouvelle a été difficile à encaisser et je n’y croyais pas. On m’a fait passer d’autres examens au printemps 2018, car je ne présentais pas les signes habituels des troubles cognitifs à début précoce, mais les médecins ont confirmé le diagnostic initial : troubles cognitifs à début précoce, et probablement la maladie d’Alzheimer.
Je n’y croyais pas! Une maladie cognitive? Vraiment?L’Alzheimer? Personne n’avait eu cette maladie dans la famille, je travaillais encore à temps plein et je conduisais encore. Je me suis dit qu’ils devaient s’être trompés.
Le système de soins de santé
Pendant trois ans, ma femme et moi avons observé plusieurs réactions et eu diverses interactions avec les professionnels de la santé. Ils ont toujours fait preuve de professionnalisme, mais ils n’écoutaient pas! Ils ne prenaient pas en compte nos commentaires, ou ils les normalisaient… « Je vieillissais »… vous savez? Ou c’était le stress. À deux reprises, les médecins ont cru que le diagnostic était erroné, car je ne présentais pas les signes qui accompagnent généralement la maladie (et je ne les présente toujours pas).
Enfin, un neurologue a prêté attention à nos problèmes et défis et nous a finalement aiguillés vers un neuropsychologue en 2016. Nous avons décidé d’opter pour le privé pour éviter de longs retards supplémentaires avec le système de soins de santé.
En décembre 2016 et en avril 2018, j’ai été vu et examiné par deux neuropsychologues différents dans deux cliniques différentes. Le verdict était identique : troubles cognitifs à début précoce et probablement la maladie d’Alzheimer. Mes deux neuropsychologues se sont montrés extrêmement professionnels et attentionnés. Ils m’ont également expliqué ne pas croire que j’étais atteint de troubles cognitifs à début précoce, mais que les résultats indiquaient une tout autre histoire.
Alors que mes deux médecins me firent part de leur diagnostic d’une manière attentionnée et pleine de compassion, lors de mon premier rendez-vous pris pour discuter des résultats, tout ce que j’entendais c’était « préparez vos affaires! » Mes « affaires » comprenaient la préparation d’une procuration, m’assurer que mon testament était prêt, faire superviser mon travail, chercher du counseling, etc.
Cette attitude a alimenté mon incrédulité et mon stress… et je suis parti avec un sentiment de désespoir et en me disant que ma vie ne serait plus jamais la même! Lors de mon second rendez-vous, je m’attendais vraiment à ce que les résultats du deuxième examen soient différents. Malgré l’attention et la compassion du neuropsychologue à l’annonce du diagnostic, il m’a également conseillé de « préparer mes affaires ». Entendre À NOUVEAU ce message a été douloureux et tellement frustrant que j’avais envie de crier. Vraiment? Me dire deux fois de préparer mes affaires? F***. Je crois que maintenant j’ai fini par accepter.
Les réactions des gens
Au début, en 2016, nous nous sommes retenus de communiquer mon diagnostic, car Noël était proche et je ne voulais pas encore croire que j’étais atteint de troubles cognitifs à début précoce. Je m’attendais à ce que mes amis et ma famille aient la même réaction que moi… et c’est ce qui s’est passé. Ils n’y croyaient pas et étaient sous le choc.
Avec le temps, les commentaires de mes amis ont commencé à arriver. Pour en citer quelques-uns :
« Et tu conduis encore? » (ils ont vraiment dit ça!)
« Tu travailles encore? Quand est-ce que tu vas arrêter? »
« Oh vraiment…? » Et ils partaient…
« On a tous des problèmes de mémoire. J’en ai moi aussi. »
D’autres ne savaient tout simplement pas quoi dire. Des moments bizarres. Aussi, il a fallu que je me réoriente.
Ma famille
Annoncer mon diagnostic a été émotionnellement très difficile pour ma famille, car c’était quelque chose de nouveau pour nous. Nous avons eu la chance de ne pas avoir vécu d’expérience directe de la maladie d’Alzheimer, car dans la famille personne ne l’avait jamais eue. Nous ignorions tout de ce sujet. Lorsque j’ai annoncé la nouvelle à ma famille, on ne m’a pas posé beaucoup de questions, ou si peu, car personne ne savait vraiment ce qu’était cette maladie, moi y compris. Mes symptômes étaient invisibles à leurs yeux. J’ai la chance d’avoir une famille incroyablement solidaire!
Ma femme, cependant, soupçonnait la maladie d’Alzheimer avant même que je ne reçoive mon diagnostic, car elle travaille dans le secteur des soins de santé pour un organisme qui soutient les personnes qui en sont justement atteintes. Je vois encore son visage le jour où on nous a annoncé la nouvelle et je me demande (et je me demande encore à ce jour) comment elle s’est vraiment sentie ce jour-là . Elle a partagé ma tristesse, mais nous avons surmonté ensemble ce moment pénible.
Affronter la stigmatisation
La stigmatisation entourant la maladie d’Alzheimer… je connaissais ça aussi. Pour moi, c’était un « problème de personne âgée ». Je croyais que ça ne pouvait arriver qu’à elles; aux personnes de 80 ans vivant dans un foyer de soins, une unité de sécurité, ou médicalisée, et qui avaient besoin d’aide pour faire tout ou presque et qui ne se souvenaient que de peu de choses. J’étais certain qu’une personne atteinte de cette maladie ne pouvait pas avoir d’activité professionnelle, conduire, ni même avoir une conversation.
Voici mes conseils pour vous aider à comprendre
- La maladie d’Alzheimer ne connait aucune frontière. Elle peut toucher n’importe qui, de n’importe quelle culture, à n’importe quel âge et à tout moment. Elle touchera toute votre famille et vos amis
- On PEUT bien vivre avec la maladie si on s’entoure de personnes animées d’un esprit de compréhension qui adoptent une approche collaborative pour soutenir la personne atteinte, tout en se focalisant sur ce qu’elle PEUT encore faire et non sur ce qu’elle ne peut PLUS faire.
- La maladie d’Alzheimer est une maladie progressive. Les symptômes ou le déclin sont imprévisibles et peuvent être différents chaque jour. La personne atteinte creusera sa propre voie et cheminera à sa manière, à son propre rythme. Aussi, n’essayez pas de prédire ou de vous focaliser sur quand elle changera ou s’affaiblira. Au lieu de cela, chérissez le moment présent, car le lendemain sera peut-être différent.
- Certaines personnes ne croient pas que je suis atteint de la maladie d’Alzheimer, car je peux encore avoir une conversation simple. Je peux parler du temps, faire des plaisanteries et des choses que j’ai faites pendant de nombreuses années. Cela s’appelle les réserves cognitives. Alors, si vous rencontrez une personne atteinte d’une maladie cognitive, ne remettez pas en question son diagnostic : c’est la dernière chose qu’elle souhaite entendre, car elle a déjà entendu ça. Au lieu de cela, reconnaissez qui elle est à ce moment présent.
- La maladie d’Alzheimer est difficile à diagnostiquer et cela demande beaucoup de temps. Aucun test sanguin ne peut confirmer un diagnostic. Les personnes de votre entourage remarqueront certainement les changements avant vous. Au début, ce sont des petits changements, mais ils deviennent ensuite une source d’anxiété pour vous et les autres.
- Les droits des personnes atteintes d’une maladie cognitive doivent être respectés. Les personnes doivent être respectées en tant que personnes, doivent pouvoir prendre des décisions, apporter leur pierre à la communauté et ne pas faire l’objet de discriminations. En d’autres termes, il faut les traiter de la même manière qu’avant leur diagnostic. C’est la personne qui vient en premier et NON la maladie.
Rendez-vous à  jevisaveclalzheimer.ca pour lire plus d’histoires de personnes comme Keith et en apprendre davantage sur le Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer.